Construire un Cameroun sans haine: l’objet d’un colloque national à Yaoundé

Article : Construire un Cameroun sans haine: l’objet d’un colloque national à Yaoundé
Crédit: Defyhatenow
13 mai 2023

Construire un Cameroun sans haine: l’objet d’un colloque national à Yaoundé


Les discours haineux et les violences au Cameroun : Genèses sociales, formes émergentes et pistes de réponses, tel est le thème du colloque national qui a rassemblé plus de 600 participants au campus de l’université de Yaoundé 1 du 10 au 12 Mai 2023.

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Organisé par le département de sociologie de l’université de Yaoundé 1 et Defyhatenow Cameroun, ce colloque a permis aux intervenants issus des universités, de la société civile, des ministères ,de la sûreté nationale et de plusieurs spécialités académiques d’analyser en profondeur les causes et les formes de la violence et de formuler des recommandations pour lutter contre les discours incitant à la haine et à la violence au Cameroun.


C’est au total 69 communications, 13 panels, 02 conférences plénières et une table ronde de clôture qui ont occupé les participants durant les trois jours de l’événement. Cet article revient sur les grandes idées développées lors des deux conférences plénières et de la table ronde de clôture.

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La première conférence plénière réunissant des éminents professeurs camerounais était axée sur le thème : Penser la généalogie de la montée des discours de haine dans le Cameroun contemporain. Suivant les propos de ces intervenants, les discours de haine ont toujours existé au sein des communautés, mais leur montée dans le Cameroun contemporain est justifiée par plusieurs facteurs.


Pour le Pr Daniel Anicet Noah de L’ESSTIC, l’avènement des réseaux sociaux à accéléré le phénomène et donne aujourd’hui l’opportunité à n’importe qui de publier des informations. Bien plus, des applications téléphonique dites << inarêtables >> contribuent de nos jours selon lui à proposer des fausses informations aux utilisateurs sans leur consentement.

Selon les explications du Pr Albert NNA Ntimban, il faut chercher des facteurs d’explication de la montée des discours haineux dans le contexte politique du Cameroun. Selon lui, les restrictions en matière de manifestations publiques ont contribué à « castrer » les camerounais qui désormais manifestent leur mécontentement par des discours haineux.

Écoutant le Pr Édouard Bokagne, l’on comprend que les discours de haine sont utilisés par des communautés pour défendre leurs ressources économiques. Il faut ainsi expliquer la montée des discours haineux dans le Cameroun contemporain en considérant la rareté des ressources.


Dans une posture anthropologique, le Pr Paul Abouna signalait que les discours qu’ on qualifié aujourd’hui de haineux sont ontologique aux communautés. Ces discours ont toujours existé au sein des communautés. En temps de paix, ces discours sont juste considérés comme des plaisanteries intercommunautaires, mais lorsque les relations se détériorent, ces discours deviennent dangereux.

Un autre argument avancé par le Dr Eudes BIEM pour expliquer la montée des discours haineux est les insuffisances de la forme de l’État. Selon lui, le colon en définissant les États Africains n’a pas considéré les réalités culturelles des communautés. Il faut de nos jours repenser la constitution de nos États en mettant au centre des préoccupations les réalités culturelles des communautés.

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La deuxième conférence plénière tenue le deuxième jour du colloque a rassemblé les intervenants autour du thème : Penser la généalogie de la montée des violences dans le Cameroun d’aujourd’hui. C’est au cours de cette conférence que le Pr Stéphane Amougou Ndi présentant les causes du génocide Rwandais, a rappelé aux participants que les simples mots stigmatisant, réducteurs que nous prononçons tous les jours, peuvent alimenter un conflit et mener à la guerre. Selon ses explications, un terme comme  » Maquisard » véhiculerait l’idée selon laquelle toute personne qualifiée de Maquisard est à détruire, à tuer.

Intervenant sur cette question de la montée de la violence, le Pr Claude ABE explique que les discours haineux et la violence sont utilisés par des communautés pour se positionner et défendre leurs propres intérêts. Prenant l’exemple des ressources foncières, Claude ABE explique que ce qui pose problème dans le contexte camerounais, c’est la réciprocité. Si certaines communautés s’installent chez les autres sans difficulté, il serait judicieux que ce soit ainsi pour toutes les communautés. Mais à chaque fois que certaines communautés refusent de le faire, nous assistons à des situations de haine et tout ce qui y est lié.


Pour le Pr Moussa II, au-delà de l’argument selon lequel la montée de la violence et des discours haineux est justifiée par la rareté des ressources, il faut souligner que ce qui pose problème et source de violence au Cameroun est la redistribution des richesses de l’État. Le vivre ensemble est selon lui paralysé par « le manger ensemble » . L’état doit ansi repenser sa politique de distribution des richesses pour espérer réduire les violences et les discours haineux dans la sphère publique camerounaise.


La table ronde de clôture présidée par le Pr Georges Ewane, a rassemblé des professeurs tels que Laurent Charles BOYOMO ASSALA, Samuel EFOUA MBOZO’O, Wulson MVOMO ELA, Mathias Éric OWONA NGUINI et le Maître AKERE MUNA. Cette table ronde était organisée autour du thème général : Penser les politiques d’amitié dans un contexte de montée des discours de haine au Cameroun.

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Pour le Pr Samuel EFOUA MBOZO’O, penser une politique d’amitié dans ce contexte, c’est d’abord réfléchir comment lutter contre les violences et les discours haineux. Pour ce faire, il faut à court terme créer une coalition de tous les acteurs qui oeuvrent au quotidien pour la lutte contre les discours haineux et une structure de veille sur les discours haineux dans les réseaux sociaux. À moyen terme, il faut réfléchir comment réadapter l’éducation à la citoyenneté civique au réalités actuelles du Cameroun. À long terme, il est nécessaire que la diaspora camerounaise soit également sensibilisée sur les valeurs du vivre ensemble. Suivant les propos du Pr Mathias OWONA NGUINI, cette politique d’amitié passe par le respect réciproque entre les différentes communautés du Cameroun, la discipline et l’état doit faire des efforts pour une redistribution équitable des richesses du pays.


Au-delà des divergences, au-delà des discussions, l’on retient que le Cameroun malgré les menaces des discours haineux reste un pays où les communautés cohabitent pacifiquement et partagent certains liens de parenté. Il faut cependant engager les communautés à développer des attitudes de tolérance et à maintenir la paix.

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