Décentralisation au Cameroun : les comités de village entrent en jeu

Article : Décentralisation au Cameroun : les comités de village entrent en jeu
Crédit: Minddevel, libre accès
5 février 2024

Décentralisation au Cameroun : les comités de village entrent en jeu

Le ministre de la décentralisation et du développement local a signé le 19 juillet 2023 un arrêté fixant les modalités de création, d’organisation et de fonctionnement des comités de quartier ou de village. En plus des associations à but non lucratif, ce sont désormais des nouvelles entités légales au sein desquelles les jeunes peuvent se réunir et participer au développement de leurs communautés. Au moment où certains comités sont en train d’être créés, revenons sur la valeur ajoutée de telles organisations.

C’est quoi un comité de quartier ou de village ?

Selon l’arrêt ministériel No 00000147/A/MINDDEVEL du 19 juillet 2023, les comités de quartier ou de village sont des cadres de concertation qui visent à favoriser la participation des populations à l’élaboration, à l’exécution et au suivi des programmes et projets communaux, ou à la surveillance, la gestion ou à la maintenance des ouvrages et équipements collectifs de base concernés. Cet arrêté précise également que ces comités sont des cadres de concertation apolitique et regroupent les habitants d’un quartier ou d’un village, sans aucune forme de discrimination fondée sur la race, le sexe, l’ethnie, la tribu, la religion ou l’appartenance politique.

Crédit photo : RAPEAJ, accès autorisé

Quelles sont les attributions de ces comités ?

En son article 4, l’arrêté ministériel précise que l’action d’un comité de quartier ou de village s’inscrit dans le cadre de la sensibilisation, de l’encadrement, de l’accompagnement, du relais, de la veille, de l’alerte des autorités municipales et des populations locales, concernant les activités, projets communaux menés sur le terrain. Ces comités sont ainsi chargés de :

  • Mobiliser et organiser les habitants d’un quartier ou d’un village en vue de leur participation au développement du quartier ou du village ;
  • Contribuer à l’élaboration, au suivi et à l’évaluation des documents de planification communale;
  • Susciter l’expression, par la population, de leurs besoins et leur implication dans le suivi et la gestion élémentaires des ouvrages et équipements collectifs de base;
  • Soutenir les actions de communication et de diffusion des messages, actes et documents municipaux auprès des populations du quartier ou du village ;
  • Interpeller les autorités municipales sur diverses questions et/ou préoccupations concernant le quartier ou le village, relevant des compétences transférées aux communes;
  • Favoriser la promotion des bonnes pratiques en matière d’utilisation, de gestion, d’entretien et de valorisation des ouvrages et infrastructures, ainsi que les équipements sociaux de base ;
  • Relayer auprès des autorités municipales les informations sur l’état technique visible des ouvrages et équipements sociaux de base et sur l’état d’avancement des projets du quartier ou du village ;
  • Conduire les actions permettant de renforcer la cohésion et le sentiment d’appartenance à la collectivité, à travers la valorisation du potentiel humain local;
  • Informer et alerter les autorités municipales et le représentant de l’Etat le cas échéant par tout moyen, des manquements graves observés dans l’exécution des programmes et projets communaux.

En quoi ces comités renforcent-ils la participation citoyenne au développement ?

La participation citoyenne au développement est l’implication active des citoyens dans les processus de prise de décision, de mise en œuvre et d’évaluation des politiques, programmes et projets de développement qui les concernent. Elle reconnaît que les citoyens ont un rôle à jouer dans la définition des priorités, la formulation des politiques et la mise en place de solutions pour améliorer leur bien-être et contribuer au progrès de leur communauté.

Ces comités permettront aux citoyens de s’exprimer, de contribuer à la prise des décisions et de participer activement à la mise en œuvre des politiques communales relatives au développement de leur village ou quartier. Si ces comités sont bien gérés, ils pourraient également favoriser une gouvernance plus démocratique, inclusive et permettront de mieux répondre aux besoins et aspirations des populations.

Les comités exposés au risque de politisation

Malgré le rôle crucial que pourraient jouer les comités de quartier ou de village dans la gestion des affaires locales et la promotion du bien-être communautaire, une préoccupation croissante se fait sentir quant à la politisation de ces comités, en particulier avec l’influence exercée par les Maires des communes. L’arrêté ministériel en son article 30 mentionne que le bureau du comité peut être suspendu par un arrêté motivé du Maire. Bien qu’il s’agisse d’une suspension temporaire en cas de trouble, des Maires pourraient abuser de cette autorité pour fragiliser le comité.


Lorsque les Maires exercent une influence excessive sur les comités, il en résulte un risque majeur de politisation. Les Maires peuvent chercher à utiliser les comités comme des instruments politiques pour consolider leur pouvoir, promouvoir leur agenda personnel ou favoriser des intérêts partisans. Cela peut ainsi entraîner une détérioration de la neutralité et de la représentativité des comités, et nuire à leur capacité à agir dans l’intérêt général des résidents

L’impact de cette politisation sur la cohésion sociale au sein des communautés

La politisation de ces comités peut avoir des conséquences préjudiciables sur la gouvernance locale et la paix au sein des communautés. Tout d’abord, cela peut entraîner une polarisation de la communauté, en créant des divisions entre les partisans du Maire et ceux qui s’opposent à lui. Ensuite, cela peut restreindre la participation démocratique, car les résidents peuvent craindre des représailles s’ils expriment des opinions contraires à celles du Maire ou de son parti politique. En outre, cette politisation peut entraîner une mauvaise allocation des ressources publiques, avec une priorité accordée aux projets politiquement motivés plutôt qu’aux besoins réels de la communauté.

Afin de préserver l’indépendance des comités et de minimiser le risque de politisation, Il est urgent de mettre en place des mécanismes de contrôle et de transparence pour assurer que les décisions prises par les comités de village soient basées sur l’intérêt général et non sur des considérations politiques. De plus, il est nécessaire de promouvoir la participation citoyenne des membres et d’encourager la diversité des membres du bureau des comités afin de garantir une représentation équitable de la communauté.

Et pour finir, que peuvent faire les jeunes ?

Nous avons un rôle crucial à jouer dans le développement de nos communautés et nos voix doivent être entendues au sein des comités. Pour s’engager de manière efficace, nous devons commencer par nous informer sur les activités de notre comité et les enjeux locaux , assister aux réunions, poser des questions et exprimer nos préoccupations. Il est aussi temps d’utiliser les médias sociaux pour partager nos opinions, encourager la participation des autres jeunes et mobiliser nos communautés en faveur de projets de développement.

Notre engagement au sein des comités peut contribuer de manière significative au développement de nos communautés. Notre énergie et notre créativité peuvent apporter de nouvelles idées et des solutions novatrices aux défis locaux. En faisant entendre nos voix, nous pouvons plaider en faveur de programmes éducatifs et de formation professionnelle, de l’accès à des infrastructures sportives et culturelles, de l’amélioration de l’accès aux services de santé ou de la protection de l’environnement local. Notre participation active peut également inspirer d’autres jeunes à s’impliquer et cela renforce la représentativité des comités et favorise un développement plus inclusif et durable.

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