Dérèglement climatique et conflits à l’Extrême-Nord Cameroun : Nos craintes

Chaque jour qui passe, nos craintes grandissent. Nous sommes témoins de cette canicule qui brûle notre région. Alors que les températures montent et que nos ressources naturelles s’amenuisent, notre communauté est confrontée à des défis sans précédent. Nous craignons que ce changement climatique entretienne les conflits qui nous entourent.

Le dérèglement climatique : une menace croissante pour notre région

Les saisons ne suivent plus leur cours habituel, les pluies tant attendues se font rares, et les vagues de chaleur sont de plus en plus intenses. Et quand il pleut enfin, dans un espace-temps très court, nous enregistrons des très fortes précipitations. Ce qui se traduit par des inondations et le ravage des cultures par des eaux débordantes des fleuves et rivières. Les conséquences de ces bouleversements se répercutent sur notre quotidien de manière alarmante. Les terres autrefois fertiles se dessèchent, les récoltes sont compromises, et la disponibilité de l’eau devient une lutte constante dans certains villages. Face à ces difficultés, la tension monte et alimente les conflits déjà présents dans notre région.

Des conflits exacerbés par le dérèglement climatique

Les ressources naturelles sont devenues des enjeux cruciaux dans notre lutte pour la survie. L’accès à l’eau potable, aux terres cultivables et aux pâturages pour notre bétail est de plus en plus restreint. Les tensions entre les communautés s’intensifient, les rivalités ancestrales prennent une nouvelle dimension, alimentées par la nécessité de garantir la survie de nos familles. Les conflits qui en découlent sont de plus en plus violents et menaçants.

Vous avez sûrement entendu parler du conflit intercommunautaire Arabe Choa et les Mousgoum à l’Extrême-Nord Cameroun. En août 2021, les tensions ont dégénéré quand la vache d’un éleveur de la communauté Arabe Choa s’est noyée dans un bassin creusé par un des membres de la communauté Mousgoum, qui sont majoritairement pêcheurs et agriculteurs. Jusqu’au aujourd’hui, malgré les interventions de réconciliations du gouvernement camerounais et des organisations humanitaires, ce conflit perdure et change de manifestation. Parfois nous assistons à des cas de discussions sur le patrimoine foncier des espaces agricoles, ou à des accusations de vol des vaches et autres biens. RFI rapporte l’alerte de l’ONG International Crisis Group en signalant que l’accès à l’eau et aux terres fertiles, de plus en plus rares dans cette zone sont au cœur de ce conflit.

Il faut noter au passage que ce conflit intercommunautaire se situe dans un contexte déjà fragilisé par les attaques du groupe armé Boko Haram.

Avez-vous lu L’Étranger de Camus ?

Le soleil joue un rôle important dans le roman L’Étranger de Camus. Dans les événements majeurs autour desquels s’articule le roman, la chaleur est étroitement liée à la souffrance et surtout à la mort. Le soleil sur la plage rend le personnage principal (Meursault) hystérique, ce qui le conduit à tuer l’arabe avec lequel il n’a aucun conflit personnel. En fait, Meursault lui-même explique devant le juge qu’il tue l’Arabe à cause du soleil.

C’est juste une création littéraire, rien de sérieux ! Pourrait-on être tenté d’affirmer ! Mais, la canicule ne pourrait-elle pas aussi influencer sur l’agressivité des humains en société ?

Une question très importante qui a attiré notre attention. Cherchant des réponses sur internet, nous y avons trouvé des études très sérieuses établissant un lien étroit entre la chaleur extrême et la manifestation de l’agressivité en société. Il a été constaté que l’agressivité est exacerbée lorsque la température augmente.

En réalité, Albert Camus avait raison !

Ces chercheurs expliquent que les raisons de cette agressivité exacerbée peuvent être multiples. D’une part, la chaleur intense peut entraîner une production accrue de cortisol, l’hormone du stress, ce qui peut rendre les individus plus réactifs et moins patients. D’autre part, le manque de sommeil causé par les températures élevées peut également contribuer à une augmentation de l’agressivité.

Trois points à retenir

1. Les chercheurs ont constaté une augmentation de la violence lorsque les températures augmentent . Cette hausse de la violence peut se manifester à la fois au niveau des violences entre individus (bagarres, violences conjugales, agressions sexuelles, etc.) et des violences intergroupes (conflits armés);
2. Les études montrent que pour chaque écart type de changement climatique vers des températures plus chaudes ou des précipitations plus extrêmes, la fréquence de la violence interpersonnelle augmente de 4% et la fréquence des conflits intergroupes de 14%;
3. Une étude de l’Institut de recherche de Potsdam sur les effets du changement climatique a révélé également que les températures extrêmes (très élevées ou très basses) alimentent les discours de haine en ligne. L’analyse a montré qu’au-delà de 30°C, le nombre de tweets agressifs et méprisants augmente de près de 22%.

Nous craignons le futur !

Dans ce contexte de dérèglement climatique et des conflits, nos craintes pour l’avenir ne cessent de croître. Nous craignons pour la sécurité de nos proches, pour notre capacité à subvenir à nos besoins les plus élémentaires. Nous sommes angoissés face à l’incertitude qui plane sur notre région, sur l’impact à long terme de ces bouleversements. Chaque jour, nous ressentons cette crainte oppressante, cette lourde charge qui pèse sur nos épaules.

Mais nous refusons de succomber au désespoir

Nous sommes déterminés à trouver des solutions, à agir collectivement pour surmonter ces défis. Nous sensibilisons le monde à notre situation et appelons à l’aide. Il est crucial que les gouvernements, les organisations nationales et internationales prennent conscience de notre situation et apportent un soutien supplémentaire. Des investissements dans les infrastructures d’eau et d’assainissement, une politique de gestion des affaires foncières ainsi que des programmes d’adaptation au changement climatique sont nécessaires pour renforcer la résilience de notre communauté face à de telles épreuves. C’est ensemble que nous pouvons construire un avenir résilient où la paix et la prospérité reprendront leur place.