Cameroun : La couverture vaccinale en danger face aux rumeurs

Article : Cameroun : La couverture vaccinale en danger face aux rumeurs
Crédit: Wikipedia Creative Commons
23 mai 2024

Cameroun : La couverture vaccinale en danger face aux rumeurs

En un siècle, les Camerounais sont passés d’une vision optimiste des vaccins à une méfiance qui fragilise l’actuelle campagne de vaccination contre le paludisme. Revenons sur cette histoire de la vaccination au Cameroun.

Les populations camerounaises, comme celles des autres pays, ont au fil du temps fait face à de redoutables fléaux sanitaires. La variole, la maladie du sommeil, la poliomyélite, le tétanos, la rougeole, autant de maladies qui ont longtemps tué nos frères et sœurs. Face à ces menaces, notre médecine avait ses limites et ne parvenait pas toujours à endiguer efficacement la propagation de ces pathologies.

Eugène Jamot, le premier à vacciner au Cameroun

Ce n’était pas la fin des maladies mais le début d’une nouvelle ère d’espoir. Voyageons un tout petit peu dans le temps. Durant des siècles, les Camerounais subissent des deuils liés à la maladie du sommeil, une maladie mortelle pouvant être transmise par la mouche tsé-tsé. Imaginez leur espoir lorsqu’ils voient chez eux le Docteur Eugène Jamot, ce médecin qui a fait ses preuves dans d’autres pays. Affecté dans le Haut-Nyong au Cameroun en 1922, le Docteur Jamot fait un premier recensement des cas dans la région. Résultats : sur 112 945 personnes examinées, 33 537 sont malades. En 1928, plus de 530 000 habitants sont examinés, et on dépiste 108 000 malades. En 1929, grâce à sa méthode de traitement, il n’y a plus que 3% de nouveaux malades et 0,8% en 1935. Quel exploit ! Lorsqu’il fait ses missions concernant la maladie du sommeil, le Docteur Jamot en profite pour effectuer des vaccinations contre la variole. Le Docteur Jamot est, comme Montestruc l’écrit en 1955, le « réveil d’une race qui allait périr ».

Dans les décennies suivantes, d’autres campagnes de vaccination sont mises en place, ciblant notamment le tétanos, la poliomyélite et la rougeole. Menées en collaboration avec les autorités coloniales puis avec les partenaires internationaux, ces initiatives gagnent en efficacité et ont sauvé des vies.

Mémorial Eugène Jamot à Yaoundé au Cameroun. © Wikipedia

Naissance du Programme Élargi de Vaccination

Le Programme Élargi de Vaccination (PEV) est créé en 1976, à une époque où les maladies mortelles comme la poliomyélite, la rougeole, la diphtérie ou encore la coqueluche sévissent encore au Cameroun, causant de nombreux décès et handicaps, surtout chez les enfants. Ce programme donne un nouveau souffle à la coordination des campagnes de vaccination et lutte efficacement contre plusieurs maladies émergentes. Il offre seulement cinq vaccins en 1976, jusqu’en 2005 quand de nouveaux vaccins sont introduits tels que le vaccin contre la fièvre jaune, le vaccin contre l’Hépatite, le vaccin contre la bactérie Influenza de type b, le vaccin antipneumococcique ou le vaccin contre les diarrhées à rotavirus.

Grâce à la généralisation progressive de la vaccination, ces pathologies reculent drastiquement, voire sont éradiquées dans certains cas. Le Cameroun est déclaré exempt de poliomyélite en 2020, un exploit rendu possible par les efforts soutenus du PEV depuis plus de 40 ans. De même, la mortalité infantile liée à la rougeole a chuté au Cameroun entre 1990 et 2018 grâce à l’amélioration de la couverture vaccinale. Mais depuis cette année, l’OMS alerte sur un retour de la rougeole dans le monde, dû à un manque de vaccination depuis la COVID-19.

Cette prouesse, saluée à l’échelle internationale, démontre l’impact concret qu’a pu avoir le PEV. Au fil des années, le Programme Élargi de Vaccination a ainsi démontré toute son importance pour la santé publique au Cameroun. En protégeant les citoyens contre une multitude de maladies graves, il a sauvé des millions de vies et contribué à l’amélioration des indicateurs de santé du pays. Alors que de nouveaux défis émergent, le PEV reste plus que jamais un pilier essentiel pour assurer la résilience sanitaire au Cameroun.

Survinrent les rumeurs

  • « Les blancs veulent par les vaccins éliminer l’Afrique et exploiter nos sous-sols ! »
  • « Tous ceux prennent le vaccin contre la COVID-19 deviendront systématiquement stériles ! »
  • « Un enfant ayant pris le vaccin contre la polio ne peut jamais atteindre 50 ans ! »
  • « Les vaccins pris aujourd’hui deviendront des maladies dans 10 ans ! »
  • « Ils ont échoué avec la COVID 19, maintenant ils essayent avec le paludisme ! »

La liste des rumeurs en cours de circulation autours des vaccins est longue. Chacun donne son avis et chacun croit ce qui l’arrange. De telles contre-vérités, largement relayées sur les réseaux sociaux, suscitent malheureusement le doute et la méfiance au sein de nos communautés. Elles nuisent considérablement à la couverture vaccinale, pourtant essentielle pour enrayer ces fléaux sanitaires. Cela complique l’actuelle campagne de vaccination contre le paludisme, avec des personnes qui refusent de se vacciner, ou de faire vacciner leurs enfants.

Interrompre la circulation des rumeurs

Pourtant, depuis le début de la pandémie de COVID-19, nous pouvons mesurer à quel point les vaccins constituent un rempart essentiel contre les maladies mortelles. Grâce à eux, de nombreuses vies ont été sauvées et nous avons pu limiter la propagation du virus. De même, le vaccin contre le paludisme, maladie endémique dans notre pays, représente aussi un outil thérapeutique majeur.

Face à ce défi, il est primordial que chacun d’entre nous agisse pour lutter contre ces contre-vérités. Nous devons impérativement nous tourner vers des sources d’information fiables, telles que le ministère de la Santé publique et l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Face à ces nouveaux défis, seule une mobilisation citoyenne forte permettra de rétablir la confiance dans les programmes de vaccination et de protéger efficacement notre santé collective.

Soyons donc les acteurs de ce combat pour la vérité et la médecine prouvée !

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